C'est dans le blog de Pierre Assouline (1) que j'ai découvert cette expression : l'adieu au papier. Bon, d'accord : tout cela est entendu, battu et rebattu jusqu'à l'écœurement, en particulier avec le sempiternel retour du débat sur l'avenir de la presse quotidienne. Je somnole rien qu'à l'écrire ! Il n'empêche. L'adieu au papier est une belle façon de siffler la fin du débat, et en même temps de se tourner un moment vers l'arrière avec un brin de nostalgie... Eh oui ! Ce bon vieux papier, ce respectable et admirable objet qu'a été le livre est sur le point de tirer sa révérence, remplacé bientôt par toute un bande d'écrans électroniques mal dégrossis.
Pierre Assouline cite, pour le contredire, Marcel Gauchet. Un Marcel Gauchet qui, à la fin d'un texte par ailleurs très lucide, conclut qu'Internet est très bien pour l'information de proximité et le renseignement. Puis il ajoute :
Pierre Assouline cite, pour le contredire, Marcel Gauchet. Un Marcel Gauchet qui, à la fin d'un texte par ailleurs très lucide, conclut qu'Internet est très bien pour l'information de proximité et le renseignement. Puis il ajoute :
Mais ces informations ponctuelles ne dispensent pas d'une recherche d'intelligibilité. Celle-ci suppose un rassemblement raisonné des données ou des points de vue, l'analyse, l'argumentation, bref, du texte suivi pour lequel le papier demeure un support privilégié. La preuve, dès que vous découvrez un texte intéressant sur le Net, vous l'imprimez. La consommation de papier ne diminue pas, au contraire.
Dans l'autre sens, si les lecteurs de journaux vont si volontiers sur le Net, c'est aussi parce qu'ils sont convaincus qu'un survol hâtif leur suffira. C'est ce partage qui est en train de se chercher. Il oblige à repenser ce qu'on attend de la presse sur papier. Elle doit se concentrer sur ce qu'elle a d'irremplaçable. Il y a un mystère à élucider dans ce pouvoir du support. Le fait est que l'objet papier autorise un commerce avec l'écrit que l'écran ne permet pas. Il est lié à un mode de compréhension dont je ne vois pas pourquoi il disparaîtrait. (2)
Dans l'autre sens, si les lecteurs de journaux vont si volontiers sur le Net, c'est aussi parce qu'ils sont convaincus qu'un survol hâtif leur suffira. C'est ce partage qui est en train de se chercher. Il oblige à repenser ce qu'on attend de la presse sur papier. Elle doit se concentrer sur ce qu'elle a d'irremplaçable. Il y a un mystère à élucider dans ce pouvoir du support. Le fait est que l'objet papier autorise un commerce avec l'écrit que l'écran ne permet pas. Il est lié à un mode de compréhension dont je ne vois pas pourquoi il disparaîtrait. (2)
C'est curieux cette propension des cinquantenaires à appuyer sur le bouton « imprimer »... Ça doit être générationnel. Est-ce que Marcel Gauchet se rend compte qu'on trouve la plupart des quotidiens sur les sites de liens Bittorrent ? Et je ne pense pas que ces lecteurs-là soient très portés sur l'imprimante... Dominique Lahary a la même démangeaison au bout de l'index. Si je vous parle de lui, c'est qu'il semble bien que la paternité de l' expression adieu au papier lui revienne. Dans un texte de 2006 pour Transversales intitulé Adieu au papier ? il conclut dans le même sens que Marcel Gauchet, mais pour des raisons plus pittoresques :
Osons une théorie matérielle : avez-vous remarqué comme il est incommode, désagréable même de lire un long texte vertical ? Les expositions farcies de longs propos nous assomment, pas seulement à cause de leur fréquente cuistrerie. Les affiches bavardes nous font fuir. Il n'est de bonnes pancartes que lapidaires. Debout, le texte a le souffle court. On ne lit dans la durée que des textes couchés, vautrés sur des pages empilées. Les Chinois l'ont compris depuis longtemps, eux qui, ayant érigé d'imposantes bibliothèques de stèles, ont aussi inventé le papier... et l'imprimerie, bien avant le bon M. Gutenberg.(3)
Il n'a pas tort, mais qui a dit que les écrans étaient voués à la verticalité ? Qu'on s'acharne à écrire avec un stylo-plume, un porte-mine ou un burin, je veux bien... On a droit à l'irrationnel ! Qu'il faille encore quelques années avant que les écrans portables et autres livres électroniques deviennent aussi confortables qu'un volume de la Pléiade, sans doute... Que l'objet livre garde une aura « culturelle » inégalée, je veux bien (les bibliothèques de médecins ont encore de beaux jours devant eux)... Mais que le papier soit définitivement le seul support possible de la pensée ? Allons donc ! C'est tout de même fascinant de voir ces distingués intellectuels buter tous sur le même obstacle : l'impossibilité quasi-physique de consentir à cet adieu au papier, dont l'évidence commence doucement à s'imposer au reste du monde...
Et je ne suis pas là en train de vous vanter les bienfaits de la culture clipesque... Je n'ai d'ailleurs pas vu un clip depuis des années (à part les Teletubbies, mais j'ai une excuse qui se prénomme Alexandre) J'aime la presse. J'aime les livres. J'aime l'écrit. Je passe une grosse partie de mon temps quotidien d'éveil à lire... Mais c'est vrai : l'écran d'ordinateur et celui de l'iPhone remplacent souvent le papier, et en particulier le papier journal.
Dire adieu au papier c'est un peu triste, bien sûr ; tous les adieux laissent un sentiment de perte. Versons quelques larmes, donc, sur le papier jauni et doux de notre enfance envolée... Ça, je peux comprendre. Mais pitié : ne sombrons pas dans le fétichisme ! Non seulement je n'ai pas le sentiment que le papier m'ait permis un commerce avec l'écrit que j'aurais maintenant perdu, mais - bien plus - je sais que l'écran m'autorise en plus un autre genre de commerce, un commerce à base de pomme-F, pomme-C, pomme-V, et que ce commerce est un grand pas en avant dans le rapport que j'entretiens avec la chose écrite.
Et puis, pour les vrais amateurs de papier, pour les purs et durs, il restera une forteresse inexpugnable qui n'a pas échappé à l'un des commentateurs de chez Pierre Assouline...
Et je ne suis pas là en train de vous vanter les bienfaits de la culture clipesque... Je n'ai d'ailleurs pas vu un clip depuis des années (à part les Teletubbies, mais j'ai une excuse qui se prénomme Alexandre) J'aime la presse. J'aime les livres. J'aime l'écrit. Je passe une grosse partie de mon temps quotidien d'éveil à lire... Mais c'est vrai : l'écran d'ordinateur et celui de l'iPhone remplacent souvent le papier, et en particulier le papier journal.
Dire adieu au papier c'est un peu triste, bien sûr ; tous les adieux laissent un sentiment de perte. Versons quelques larmes, donc, sur le papier jauni et doux de notre enfance envolée... Ça, je peux comprendre. Mais pitié : ne sombrons pas dans le fétichisme ! Non seulement je n'ai pas le sentiment que le papier m'ait permis un commerce avec l'écrit que j'aurais maintenant perdu, mais - bien plus - je sais que l'écran m'autorise en plus un autre genre de commerce, un commerce à base de pomme-F, pomme-C, pomme-V, et que ce commerce est un grand pas en avant dans le rapport que j'entretiens avec la chose écrite.
Et puis, pour les vrais amateurs de papier, pour les purs et durs, il restera une forteresse inexpugnable qui n'a pas échappé à l'un des commentateurs de chez Pierre Assouline...
Avant qu’on remplace le papier hygiénique par un support numérique, on est tranquille pour un bout de temps. (4)
(1) La République des livres - N'ayez pas peur, Marcel ! (2) Le blog Marcel Gauchet - Quotidiens cherchent "nouveaux lecteurs" hypothétiques
(3) Dominique Lahary - Adieu au papier ?
(4) La République des livres - commentaire de "Henri"
Voir aussi : 120 - Décivilisation