22.3.10
145 - Etat agentique
6.4.09
133 - Procrastination structurée
Why does the procrastinator do these things? Because they are a way of not doing something more important. If all the procrastinator had left to do was to sharpen some pencils, no force on earth could get him do it. However, the procrastinator can be motivated to do difficult, timely and important tasks, as long as these tasks are a way of not doing something more important. [1]
Bon, mais alors que faire ? La mauvaise idée, explique John Perry, est d'essayer de se concentrer sur les choses importantes. C'est méconnaître gravement la psychologie procrastinatrice car, dans ces conditions, le procrastinateur, confronté à une liste de seulement 2 ou 3 choses essentielles, trouvera quand même le moyen de faire autre chose de vraiment, vraiment inutile. Alors qu'en acceptant toutes sortes d'engagements et en accumulant les tâches simultanées, le procrastinateur va accomplir une quantité impressionante de choses utiles en évitant seulement les plus utiles, qui trônent en haut de la liste... Et voilà !
Bon, alors je vous vois venir... Vous vous demandez ce qu'il en est des tâches du haut de la liste ? Eh bien justement. Tout l'art de la procrastination structurée consiste à choisir habilement ces dernières :
The trick is to pick the right sorts of projects for the top of the list. The ideal sorts of things have two characteristics, First, they seem to have clear deadlines (but really don't). Second, they seem awfully important (but really aren't). Luckily, life abounds with such tasks. In universities the vast majority of tasks fall into this category, and I'm sure the same is true for most other large institutions. [1]
Et voilà en tous cas comment, grâce à la procrastination structurée, on écrit en 10 minutes un post n°133, en étant absolument persuadé que c'est uniquement le moyen de ne pas écrire celui sur le scientisme paradoxal qui, lui, est vraiment important et intéressant !
[1] John Perry - Structured Procrastination
5.1.09
127 - Loi de Godwin
Vous connaissez la réduction par l'absurde, qui permet de démontrer la fausseté d'une proposition en en déduisant logiquement une proposition « manifestement fausse », c'est à dire contradictoire ? Non ? Alors relisez la phrase précédente, ça devrait être bon. La reductio ad Hitlerum en est une version bâclée. Dans le rôle de la contradiction, on met Hitler, et sur la déduction, on n'est pas trop regardant : vous prenez des mesures anti-tabac. Hitler a pris des mesures anti-tabac. Donc vous êtes un nazi.
C'est Leo Strauss soi-même qui a le premier identifié, nommé et démonté l'argument de reductio ad Hitlerum :
Unfortunately, it does not go without saying that in our examination we must avoid the fallacy that in the last decades has frequently been used as a substitute for the reductio ad absurdum: the reductio ad Hitlerum. A view is not refuted by the fact that it happens to have been shared by Hitler. [1]Aussi fautif que soit l'argument, il faut reconnaître qu'il est bien tentant d'y recourir, dès lors qu'une certaine dose de testostérone est atteinte. Mike Godwin, avocat américain, et actuel membre de la Wikimedia Foundation, est l'heureux découvreur d'une loi qui généralise le phénomène, et qui s'énonce ainsi :
As a Usenet discussion grows longer, the probability of a comparison involving Nazis or Hitler approaches one. [2]Alors évidemment, les pointilleux font remarquer que la loi de Godwin est une tautologie, dans la mesure où l'augmentation du volume d'une discussion quelle qu'elle soit fait mécaniquement augmenter la probabilité d'apparition de toutes les propositions possibles, et pas seulement de celles où apparaît Hitler... Mais ne pinaillons pas, d'autant que le corollaire paradoxal de Salaün, qui apparaissait dans une version précédente de l'article Wikipedia sur la loi de Godwin, menace la dite loi d'auto-réfutation :
Plus la connaissance d'une loi comportementale, telle celle de Godwin, se diffuse dans un réseau, plus la validité de celle-ci tend vers 0 du fait des changements comportementaux que sa connaissance engendre. [3]
A noter aussi qu'on peut étendre la loi de Godwin à d'autres lieux de débat, et remplacer Hitler par divers autres gros mots...
On peut juger que le
libéralisme, dans les débats internes à la gauche - voire, dans l'espace politique français - fait office de loi godwin à la française, en ce sens que l'invocation du libéralisme tient lieu d'argument définitif, qui se suffit à lui même. Peut-être faut-il le regretter... [4]
Mais s'il y a un sujet où la loi de Godwin reste incontournable -et là ça devient moins drôle- c'est évidemment le Proche Orient. Et c'est dans ce contexte d'une brûlante actualité que je se suis tombé sur un petit texte de Mike Godwin, écrit en avril de cette année pour commémorer les 18 ans de la «loi» qui porte son nom :
When I saw the photographs from Abu Ghraib, for example, I understood instantly the connection between the humiliations inflicted there and the ones the Nazis imposed upon death camp inmates—but I am the one person in the world least able to draw attention to that valid comparison. (...) Our challenge as human beings is that we no longer can be passive about history—we have a moral obligation to do what we can to prevent such events from ever happening again. Key to that obligation is remembering, which is what Godwin's Law is all about. [5]
[1] Leo Strauss - Natural Right and History
[2] Mike Godwin - Nazis (was Re: Card's Article on Homosexuality
[3] version précédente de l'article Wikipedia sur la loi de Godwin
[4] Diner's room - "Libéralisme" et Loi de Godwin
[5] Mike Godwin @ Jewcy.com - I Seem To Be A Verb: 18 Years of Godwin's Law
2.12.08
126 - Imprinted Brain Theory
Bref, on rentre dans les eaux troubles de l'épigénétique, où l'on découvre que certains gênes peuvent être réduits au silence par les organismes qui les portent : un gène peut être imprinted, c'est à dire marqué chimiquement, pour l'empêcher de s'exprimer (de produire des protéines).
C'est à ce mécanisme que fait référence l'imprinted brain theory de Bernard Crespi et Christopher Badcock, développée notamment dans le Nature d'aout 2008. (1) L'histoire est reprise dans le New York Times qui parle de l'idée la plus importante depuis Freud ! (2) Ca risque donc de ne pas être évident à résumer en 20 lignes... Tant pis : essayons !
Mentalistic Cognition | Mechanistic Cognition |
psychological interaction with self and others | physical interaction with nature and objects |
uses social, psychological, and political skills | uses mechanical, spatial, and engineering skills |
deficits in autism, augmented in women | accentuated in autism, augmented in men |
voluntaristic, subjective, particularistic | deterministic, objective, universal |
abstract, general, ambivalent | concrete, specific, single-minded |
verbal, metaphoric, conformist | visual, literal, eccentric |
top-down, holistic, centrally-coherent | bottom-up, reductionistic, field-independent |
epitomized in literature, politics, and religion | epitomized in science, engineering, and technology (3) |
Des gènes paternels surexprimés tireraient donc l'enfant vers le mécano et plus tard la physique nucléaire ou le modélisme ferroviaire... Ou encore l'autisme, si le déséquilibre est trop important. Des gènes maternels surexprimés seraient responsables de l'achat massif de poupées Barbie, et du choix d'une carrière d'assistante sociale, de schizophrène ou... de politicien. Une des conséquences amusantes de la théorie est en effet d'imaginer que, s'il existe des savants autistes, nuls en social mais surdoués en calcul, il existe aussi des savants psychiques, surdoués du social, mais... pas très rationnels.
La mauvaise nouvelle est que les savants psychiques, loin d'être mis à l'écart de la société comme le sont les autistes, connaissent au contraire un franc succès et peuvent se retrouver dans des positions de pouvoir ou l'irrationnel peut quand même faire de gros dégâts...
Donc ne dites plus « tous pourris », c'est franchement poujadiste, dites plutôt : « tous schizos », vous serez à la pointe de la neuropsychiatrie !
(1) Nature : Battle of the sexes may set the brain, Christopher Badcock & Bernard Crespi
(2) New York Times : In a Novel Theory of Mental Disorders, Parents’ Genes Are in Competition
(3) Edge : The Imprinted Brain Theory