Débat confus et assez pénible où Richard Millet et un Finkielkraut assez peu inspiré semblent prendre plaisir à égréner tous les poncifs du genre, de la violence scolaire au racisme anti-français en passant par cette horreur absolue que le rap représente à leurs yeux. Un moment, pourtant, me fait dresser l'oreille : on y est plus ou moins en train d'enterrer la langue française, noyée par le verlan et par l'échec scolaire, et il est question de Sevran, ville dont le maire écologiste a récemment demandé l'aide de l'armée face à la montée des violences urbaines :
Jean-Christophe Bailly : La déqualification de la langue, par exemple, moi je n'en placerais pas la responsabilité à Sevran, je la placerais bien davantage dans les beaux quartiers, à lé télévision, etc. Je relisais l'autre jour les cours de Barthes sur la préparation du roman, et il y a une phrase qui m'a frappée par sa justesse, c'est : " Les classes riches ne soutiennent plus la littérature. " Et c'est vrai, c'est absolument vrai : le taux d'ignorance des couches dirigeantes est devenu hallucinant !
Alain Finkielkraut : En même temps, on ne peut pas sans cesse se défausser sur les classes dirigeantes... Il semblerait que nous soyons entrés dans une société postculturelle, mais pensez-vous vraiment que si les classes dirigeantes avaient une plus haute idée de la langue, de la culture et donc finalement de la tradition française - parce que quand on s'efforce de parler bien, c'est qu'on parle d'une certaine manière sous le regard de nos ancêtres - (...) pensez-vous vraiment que ça changerait quelque chose au problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, c'est à dire au changement démographique massif que connaît la France ?Bref, Finkielkraut considère qu'on est hors-sujet. Pourtant la langue que parlent les élites, et celle que parle la télévision sont-elle vraiment dépourvues de toute signification et de tout effet ? Et, au fait, quelle est cette société postculturelle dans laquelle on est entrés sans que personne n'ait pris la peine de me tenir au courant ?
Il semble que le concept soit l'œuvre d'Alain Finkielkraut soi-même. En cherchant un peu, je suis tombé sur ce passage d'une émission de 2007, où un Finkielkraut nettement plus en verve avait invité Henri Guaino et Daniel Cohn-Bendit :
Alain Finkielkraut : On a voté pour les beaux discours de Henri Guaino ; on a aujourd’hui le rire sanctifié de Bigard. On a voté pour la République, et on assiste à quelque chose qui s’apparente, malgré tout, à ce qui pourrait s’appeler une Grimaldisation de la République. Et je me demande si Sarkozy n’est pas le premier président de la société post culturelle.Et là, je ne crois pas que Mai 68 peut l’exonérer de toutes responsabilités… Le résultat c’est que l’on peut s’afficher maintenant à Euro-Disney sans complexe ; et c’est intéressant, parce que quand la culture jouait un rôle de Surmoi, on inculquait une culture, en l’apprenant, certes, de manière un peu hypocrite ; maintenant Sarkozy nous dit : « je n’en ai plus rien à faire : la Star Ac ‘ et Europ disney c’est mon univers, et je n’ai pas à me justifier ».En effet, nous sommes entrés, avec son onction, dans une société postculturelle (1)Société postculturelle, je ne sais pas. Inculture assumée - et même revendiquée - au plus haut niveau de l'Etat, ça, par contre c'est relativement avéré. Même si, d'après Franz-Olivier Giesbert, c'est en train de changer... Même si on a le droit d'être sceptique. Bref. Faut-il voir dans cette inculture des élites en général et de l'élite suprême en particulier la conséquence du changement démographique massif qui affecte les banlieues de notre beau pays ?
Après tout, peut-être... Voilà ce qui arrive quand on laisse un caïd du 9-2 accéder aux plus hautes fonctions !
(1) Répliques - 11 juin 2011 - Au cœur de la France
(2) Répliques - 22 décembre 2007 - L'héritage de mai 68
Voir aussi : 120 - Décivilisation
6 commentaires:
Eh bien, si vous cherchez une nouvelle idée, vous n'y êtes pas. La déqualification de la langue française, rien de moins. Non, en réalité l'évolution naturelle de la langue telle qu'elle a toujours eu lieu. Ceux qui aujourd'hui poussent des cris d'orfraie se croyaient seuls propriétaires d'une langue scolaire et somme toute morte dont tout le monde aujourd'hui se contrefout. La vérité est que ces élites voient arriver avec horreur et stupéfaction leur déclassement, noyés qu'ils sont dans la frénésie communicationnelle du web qui les fait disparaître comme par magie : les disques ne se vendent plus, les livres ne se vendent pas, chronique d'une mort annoncée, l'élite se dissout et hurle sa disparition en geignant ses angoisses. L'avenir nous appartient, et c'est une bonne nouvelle.
Cela me fascine toujours de voir les "valeurs" culturelles des uns et des autres. Il n'y en a toujours que pour le français et l'histoire, on pourrait tout aussi bien déplorer l'inculture de nos élites en matière de sciences, de langues étrangères, etc..
(et puis Finkielkraut dit "ça" à la place de cela, n'est-ce pas aussi post-culturel ? )
@ buibui : asse d'accord avec vous sauf que le schéma "méchantes élites conniventes et corrompues contre nobles internautes désintressés", j'y crois moyen...
@ Tom : c'est vrai que le Finkie est en train limite de tourner racaille... à ce rythme-là dans 6 mois je le vois bien animer un mission de rap sur Energie !!
@dvanw : vous avez raison pour les nobles internautes désintêressés, mais ne pas confondre ceux qui ont obtenu la "liberté" de fournir du contenu gratuit aux sites et par là-même de révéler éventuellement leur talent ( hommage collatéral, arf ), et les proprio des dits-sites qui ont inventé l'internaute esclave-consentant qui fabrique de son plein gré les programmes entre les pubs. Le fait est que ceux qui possèdent l'outil font partie de la même élite connivente, mais ils prennent le risque de l'auto-dilution. Un peu comme si TF1 virait tous ses producteurs et animateurs et remplissait ses grilles avec des vidéo amateurs, finalement internet est la nouvelle télé, et l'"élite" comtemple avec effroi le goufre. Rions.
Avec Sarkome de karposy, je me demande même si on ne serait pas entré dans une société post cuculturelle.
tres bon
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