168 - Délinéarisation

Ca fait un déjà long moment que je suis frappé par le hiatus qui existe entre l'importance de la sacro-sainte « grille » aux yeux des responsables des chaînes, et le désintérêt complet que j'éprouve à l'égard de cette même grille en tant que spectateur... Finalement, je découvre un mot pour décrire le problème. Ce mot c'est : délinéarisation.

Aujourd’hui, le téléspectateur subit de moins en moins les programmes linéaires des chaînes. D’un côté il est de plus en plus au courant des programmes à venir et peux ainsi mieux les choisir (les sources d’information sont de plus en plus nombreuses : magazines, Internet, bouche à oreille et même les réseaux sociaux), de l’autre il peut visionner ses programmes favoris en « replay » et enfin, les possibilités d’enregistrement sont de plus en plus variées (enregistrements récurrents, à distance, grâce aux « box » des FAI). Alors, la télévision n’est plus vraiment capable de donner de réels « rendez-vous » à ses téléspectateurs. La télévision linéaire ne les capte plus et c’est bien là la grande peur des chaînes de télévision. (1)

Vous vous rendez compte si la télévision cessait de produire ces merveilleux programmes d'après midi à destination des ménagères de moins de 50 ans qui ont la télé allumée dans un coin pendant qu'elles passent l'aspirateur ? Est-ce que vous avez idée de la catastrophe industrielle et culturelle que ça représenterait ?

Remarquez, je plaisante, mais je me rends compte que ce serait aussi la fin des émissions bizarres (genre courts-métrages, rock'n roll et consorts) qui arrivent à se faire un trou à des heures tardives parce que - de toutes façons - ces recoins de la grille n'intéressent pas les acheteurs d'espace...

Enfin bref, que faire quand la délinéarisation aura fini par avoir la peau de la Grille ? Si, comme moi vous pensez qu'une solution serait de produire des choses que les gens auraient envie de regarder exprès (et pas juste parce que ça tombe du robinet à images quand ils appuient sur le bouton), vous n'avez rien compris au média marketing. Et heureusement, les gens dont c'est le métier ont une meilleure idée...

Dans ces conditions, quelles sont les conditions de réussite des grands médias ? (...)
- Renouveler le discours à destination des annonceurs.  (...)
- Revoir les business model de la production de contenus. (...)
- Resserrer les liens avec le monde marchand. La réclame est finie, place à l’ère du grand mélange marque – contenu. Les initiatives sont nombreuses : édition de contenu pour les marques (magazine Air France), opérations spéciales, sponsoring de contenu, … (2)

Eh oui, il suffisait d'y penser ! La grille permettait aux annonceurs d'accéder facilement au public... Et donc aux chaînes d'accéder au portefeuille des annonceurs. Si le public se désintéresse de la grille, il suffit d'abolir... le public ! 
Et comme ça on continue comme avant, sauf qu'on fait des programmes directement pour les annonceurs... Du coup, on se passe d'un intermédiaire mal élevé et souvent râleur (le téléspectateur) et on reste entre gens civilisés qui parlent le même langage et ont fait les mêmes écoles de commerce ! 

Alors elle est pas belle la télévision du futur ? Allez, dès que j'ai le courage, je vous parle du brand content !


(1) Freenews n°1906 du 28 septembre 2011
(2) Les temps dansent - Les médias à l'épreuve de la délinéarisation et de la fragmentation