4.7.07

114 - Théorie du soma jetable

La théorie du soma jetable répond, ou tente de répondre, à une question relativement fondamentale : pourquoi la mort ? Eh oui : pourquoi mourir bêtement de vieillesse quand on est le produit de 4 milliards d'années d'évolution censée sélectionner les organismes les plus aptes à la survie ? La mort est-elle inéluctable ? La mort a-t-elle un fonction ? Rien n'est moins sur : on sait multiplier la durée de vie de vers ou de mouches jusqu'à 5 ou 6 fois en désactivant des gènes spécifiques, les gérontogènes, qui sont responsables de la sénescence, et sont donc chargés, de fait, d'abréger la vie. Comment la sélection naturelle a-t-elle pu choisir les gérontogènes ? Bref : pourquoi on meurt ?

D'abord, on ne meurt pas tant que ça. On meurt partiellement. Un être humain est constitué, comme tout animal, de deux catégories de cellules bien distinctes : les unes, les cellules germinales sont aptes à devenir des gamètes (spermatozoïdes ou ovules) ; les autres, les cellules somatiques, assurent les diverses fonctions de l’organisme. Seules ces dernières sont mortelles.

Les cellules germinales sont potentiellement immortelles, parce qu’une fois unies par la fécondation, elles peuvent donner naissance à de nouveaux individus, et ce pendant un nombre apparemment illimité de générations. Manifestement, ces cellules n’éprouvent aucune forme de sénescence. Par contre, les cellules somatiques sont mortelles. (1)

La sélection naturelle ne va "choisir" une mutation favorable à la survie du soma que dans les limites de son utilité reproductive.

Devenu stérile ou vieux, un individu perd toute valeur du point de vue sélectif. Sa disparition sera sans conséquence pour l’avenir de sa lignée – à moins qu'il ne reste quelque temps encore utile à la survie de sa progéniture. (1)

Formulée en 1977 par Thomas Kirkwood, la théorie du soma jetable développe cette idée, en l'envisagent d'un point de vue allocation de ressources :

Cette théorie part d'un constat : la maintenance de l'organisme a un prix, car elle exige des mécanismes spéciaux qui, de plus, consomment de l'énergie.Cela pose un problème d'llocation de ressources. Combien l'organisme peut-il en détourner de sa seule tâche vraiment incontournable, qui est de se reproduire, ou pour employer un langage inspiré par Richard Dawkins, de véhiculer ses gènes jusqu'à la génération suivante ? (2)

Un problème d'allocation de ressources, ça semble surmontable... Mais attention : une théorie concurrente, répondant au déplaisant patronyme de pléiotropie antagoniste, complique les choses en stipulant que les mutations inactivant les gérontogènes ont divers inconvénients pour les animaux ou les êtres humains dont la vie est prolongée. (1) Par exemple en favorisant le développement de cancers précoces...

Bref, on n'est pas sortis d'affaire ! Je parle, bien sûr, au nom de mes cellules somatiques.

(1) L'observatoire de la génétique : Le vieillissement à la lumière de la théorie de la sélection naturelle.
(2) André Klarsfeld : De fausses bonnes raisons de mourir, in Les dossiers de la Recherche n°27