25.1.10

137 - Trans-parents

Comment expliquer l'impudeur des jeunes internautes qui étalent  photos  personnelles,  listes d'« amis » et propos plus ou moins intimes sur les réseaux sociaux ? Jean-Marc Manach reformule la question ainsi :
Et si, a contrario, ils ne faisaient qu'appliquer à l'internet ce que leurs grands-parents ont conquis, en terme de libertés, dans la société ? (1)
Et à l'appui de cette idée, il cite Josh Freed, éditorialiste à la Montreal Gazette qui, dans la lignée du transsexuel et de la trans-avant-garde, invente le trans-parent   :
D'un côté, nous avons la "génération des parents", de l'autre, la "génération des transparents" : l’une cherche à protéger sa vie privée de manière quasi-obsessionnelle, l’autre sait à peine ce qu’est la “vie privée“.

La génération des transparents a passé toute sa vie sur scène, depuis que leurs embryons ont été filmés par une échographie alors qu’ils n’avaient que huit semaines… de gestation. Ils adorent partager leurs expériences avec la planète entière sur MySpace, Facebook ou Twitter et pour eux, Big Brother est un reality show. (2)
Et c'est vrai que la paranoïa de ma génération à moi quant à sa vie privée traîne avec elle un parfum de guerre froide... A l'exception de nos amis chinois, quel gouvernement a encore le temps et les moyens de surveiller nos petites opinions politiques ? La NSA a déjà bien du mal avec les islamistes radicaux, je ne suis pas sûr qu'elle traque très efficacement les sympathisants de Jean-Luc Mélenchon. Et puis il faut bien admettre que la place des propos subversifs dans les échanges électroniques entre ados est sans doute homéopathique...
Generation Transparent loves publicity and spends its days on sites like Twitter, sending their friends brief "tweet" messages about what they're doing as they do it.
- Hi. I'm out buying tofu (see attached photo). Where r u?
- Cool! I'm buying yogurt right down the aisle from u -- I'm in the photo u just took.
- Oh yeah! Cool -- Wave, wave. Kiss, Kiss. :-)
- OK, bye for now. Let's tweet again when we're at the cash. (2)

En fait la seule véritable atteinte à sa vie privée qu'un ado a toutes les chances de ressentir en vrai, c'est celle de ses parents ! Et cette surveillance là n a rien de fantasmatique : elle est bien réelle et a sans doute plutôt tendance à se renforcer à notre époque sécuritaire et adepte du principe précaution... Il n'est qu'à voir la masse  de discours développé autour du thème pédophilie et internet pour s'en faire une idée ! Ou bien de lire cette histoire hallucinante arrivée à Greensburg (Pennsylvanie) où 3 adolescentes sont jugées pour child pornography parce qu'elles ont envoyé des photos... d'elles à leurs petits amis ! Un coup à faire passer nos amis chinois pour de gentils amateurs...

Les ados - c'est pas nouveau ! - ont besoin d'échapper au regard des adultes. Les espaces interstitiels que leurs parents trouvaient encore dans le monde réel, dans les cafés, les squares ou les cinémas de l'ère rock'n'roll, les trans-parents y accèdent au travers des technologies de communication. Ils n'ont pas très peur de la NSA, mais ils préfèrent sans doute que leurs parents ne voient pas toutes leurs photos et ne lisent pas toute leur prose. Et pour peu qu'on ait des parents pas trop calés en ordinateur, lettres et prose sont finalement plus à l'abri sur Facebook que dans le tiroir de sa chambre !


(1) - InternetActu - Vie privée : le point de vue des “petits cons”
(2) -  Josh Freed - Next up: Google Anatomy and Google Ogle