21.10.08

124 - Effet Bradley

L'effet Bradley porte le nom d'un maire de Los Angeles qui a perdu les élections pour le poste de gouverneur de Californie en 1982, alors que les sondages "sortie des urnes" le donnaient largement gagnant. On peut aussi parler d'effet Dinkins ou d'effet Wilder, d'après les noms d'autres candidats à qui est arrivée la même mésaventure... Le point commun entre Dinkins, Wilder et Bradley ? La couleur : ils sont noirs !

L'effet Bradley est donc un biais qui affecte les sondages et qui tend à surestimer systématiquement les chances d'un candidat noir aux élections, à cause de la difficulté des électeurs blanc à avouer que la race influe sur leur vote. Bon, vous devinez pourquoi la presse américaine est pleine d'articles sur l'effet Bradley... Va-t-il falloir bientôt le rebaptiser effet Obama ? Barack Obama va-t-il entrer dans l'histoire comme président des Etats-Unis ou comme effet ? That's the question.

Bon, mais rassurez-vous, rien n'est simple ! Depuis 1982, l'amplitude de l'effet Obama, pardon : Bradley, semble avoir diminué. Cela dépendrait en fait beaucoup du « climat » local : dans les Etats où règne un certain politiquement correct (en gros : nord-est et Californie) l'effet Bradley, semble persister, alors que dans certains coins (en gros : sud-est) on aurait même un effet Bradley inversé, certains électeurs blancs n'osant pas avouer aux sondeurs qu'ils sont prêts à voter pour un noir (ce qui donne une idée de l'ambiance !)...

Et puis l'effet Bradley touche aussi les noirs ! Mais à l'envers. Certains, craignant d'apparaître comme votant pour des raisons raciales, vont hésiter à afficher leur soutien à un candidat noir... Surtout si le sondeur est blanc ! Ah oui, parce qu'on n'en n'a pas encore parlé du sondeur. Et on sait bien que la race du sondeur influence aussi la réponse qui va être donnée par le sondé.

Et puis la délicate balance entre effet Bradley classique et effet Bradley inversé se complique du fait qu'Obama a fait beaucup d'efforts pour ne pas apparaître aussi noir que ça... Ce que certains électeurs noirs lui reprochent, d'ailleurs. Et puis n'oublions pas que la différence d'âge pourrait provoquer un effet (encore anonyme, celui-ci) du même ordre : certains électeurs âgés n'osant pas avouer qu'ils n'ont pas confiance dans un jeunot. Et réciproquement. A moins que ce soit l'inverse.

Ah, et puis j'oubliais : la situation économique étant ce qu'elle est, il se pourrait même que certains électeurs aient l'idée saugrenue de voter pour de bonnes raisons, du genre qui a à voir avec le programme des candidats ! Ca, pour le coup, ce serait une nouveauté qui mériterait bien un nom... Effet Greenspan ?


New-York Times : Do Polls Lie About Race ?
BBC news : Will closet racism derail Obama ?
Wikipedia : Bradley effect

10.10.08

123 - Skywriting

Skywriting, écrire dans le ciel... Jolie métaphore pour cet exercice d'écriture auquel je suis en train de me livrer, là, tout de suite. Un exercice à la fois privé (dans son mode de production) et massivement public, au moins virtuellement, dans sa diffusion... Eh oui, le nombre de lecteurs (potentiels, certes) avoisine maintenant le milliard et demi !

Je sais pas vous, mais moi ces histoires de cloud computing, je n'ai jamais trouvé ça très engageant. D'un point de vue météorologique, j'entends : cloud computing me donne plutôt envie de rester au coin du feu.

Skywriting
, c'est autrement plus exaltant... D'autant qu'il suffit d'y googler un oeil pour découvrir que le sens véritable du skywriting, j'entends le sens googlesque, évoque une pratique dont le nuage est, précisément, l'ennemi absolu.

Bon, je ne retrouve plus où j'ai croisé initialement l'expression, mais c'était sans doute sur le web vu que ça pointait vers le texte contenant la première occurrence repérée du skywriting en question... Un texte de Stevan Harnad, un cogniticien de Princeton, qui raconte comment son penchant épistolaire, considéré par ses pairs comme un total anachronisme, avait trouvé une incarnation nouvelle au travers du mail puis du dit skywriting.
And then I discovered sky-writing -- a new medium that has since made my e-mailing seem as remote and obsolete as illuminated manuscripts. (...) The transformation was complete. The radically new medium seemed to me a worthy successor in that series of revolutions in the advancement of ideas that began with the advent of speech, then writing, then print; and now, skywriting. (1)
Bon, l'histoire se finit mal puisque son enthousiasme se trouve brutalement refroidi ensuite par une avalanche de messages haineux déclenché par un troll de passage... Mais le plus intéressant dans l'histoire, c'est la date : ce texte, que Stevan Harnad avait envoyé au New York Times qui l'a refusé, date de 1987. 1987 !! Et il ne s'agissait pas de blogs, de forums, et encore moins de réseaux sociaux, mais de ce bon vieil Usenet dont seuls des quarantenaires endurcis peuvent encore se souvenir...

Tiens au fait je me pose une question : combien de temps l'expression nouvelles technologies va-t-elle encore survivre pour désigner des choses qui approchent le demi-siècle ?

(1) Stevan Harnad - Sky-Writing
voir aussi : 067 - Web 2.0